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Abdoulaye Magassouba :
Diversifier pour gagner

Par - Publié en mai 2018
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Ministre des mines et de la géologie. Ancien du cabinet d’affaires KPMG, ce quadra a longtemps été le conseiller du président Alpha Condé pour les affaires minières. Son discours est résolument optimiste. 
 
AM : Pour son second mandat, le président Alpha Condé a lancé une stratégie économique déclinée dans un Plan national de développement économique et social (PNDES 2016-2020).
TIM COCKS/REUTERS
Pouvez-vous nous faire un bilan de mi-parcours de ce qui a été réalisé dans le secteur minier ? Abdoulaye Magassouba : Le PNDES a érigé l’industrie extractive et le secteur minier en catalyseurs du développement du pays et en leviers de la transformation des autres pans de l’économie guinéenne. Pour ce faire, il fallait dépoussiérer la législation et adapter notre code minier aux réalités du marché mondial. Nous avons sollicité l’expertise d’un cabinet international pour un audit institutionnel et nous avons scrupuleusement suivi ses recommandations. Nous avons en outre procédé à la modernisation de notre cadastre minier, désormais actualisé et mis en ligne à la disposition des opérateurs qui souhaitent intervenir dans l’exploitation de nos richesses minières. L’ensemble des contrats, conventions et concessions accordés aux opérateurs ont été révisés sur la base d’un partenariat transparent. En termes chiffrés, les objectifs assignés par le PNDES au secteur minier sur la période 2016-2020, misent sur des investissements d’une valeur de 7 milliards de dollars. À mi-parcours, plus de 3 milliards de dollars ont été d’ores et déjà libérés pour des projets finalisés ou en cours de réalisation. D’autres, d’une valeur de 1,5 milliard de dollars, sont en phase d’étude. Nous sommes donc dans les temps du PNDES. 
 
Les rédacteurs du PNDES déplorent que le secteur minier ne soit pas suffisamment intégré dans le système économique. Qu’avez-vous entrepris pour changer cela ? Nos réformes ont contribué, en premier lieu, à augmenter les ressources pour le Trésor public. Grâce à une meilleure maîtrise des recettes fi scales, le secteur contribue désormais au fi nancement des autres branches d’activité de l’économie guinéenne ainsi que des secteurs sociaux prioritaires que sont la santé et l’éducation. Les infrastructures, telles les routes minières et leurs ponts, contribuent à désenclaver les exploitations agricoles et permettent l’acheminement de la production vers les marchés et les centres de commercialisation. Nous sommes conscients des limites du secteur minier en matière d’emploi, mais il ne faut pas oublier les emplois indirects qu’il suscite dans les PME de sous-traitance et les investissements directs au profi t des communautés locales voisines des sites d’exploitation. Les municipalités abritant ces sites bénéfi - cient d’un fonds spécial dédié au développement. Les sociétés minières opérant dans la bauxite versent 0,5 % de leur chiffre d’affaires (1 % pour les sociétés aurifères), alimentant ce fonds, qui sera mis à la disposition des municipalités dès l’installation de leurs nouveaux conseils communaux. Il y a également les contributions directes des sociétés minières au développement local. À titre d’exemple : la Compagnie de bauxite de Guinée (CBG, opérateur historique) participait annuellement avec un montant de 600 000 dollars. En 2017, nous lui avons demandé de revoir à la hausse ce chiffre. Elle a accepté de décaisser 2,5 millions de dollars, qui ont servi à la mise à niveau des PME locales et au renforcement de leurs capacités. C’est la preuve que le secteur minier est de plus en plus intégré dans le système économique.
 
L’industrie extractive guinéenne est largement dominée par la bauxite. Vous avez récemment déclaré que l’exploitation artisanale de l’or a injecté, en 2017, plus de 800 millions de dollars dans l’économie. Comment cette performance a-t-elle été possible ? C’est incontestablement l’un des grands bienfaits des réformes institutionnelles du secteur minier. La nouvelle législation nous permet un meilleur contrôle sur les comptoirs d’exploitation et d’exportation de l’or en Guinée. Cette traçabilité contraint au rapatriement des sommes ayant servi à l’acquisition de la moindre once produite à partir de notre sous-sol. Cette performance est également à mettre à l’actif d’une lutte sans merci contre la délinquance fi scale. Nous avons retiré l’agrément à onze opérateurs qui ont refusé de jouer le jeu de la transparence. Nous tournions avec un taux de rapatriement de 42 %, nous sommes aujourd’hui à 95 %. 
 
Où en est le projet d’exploitation du gisement géant en minerai de fer de Simandou ? Nous sommes en train de travailler sur les détails de la mise en œuvre de l’accord de cession des droits d’exploitation entre Rio Tinto et Chinalco. Sur le plan juridique, les conditions s’avèrent plus compliquées que prévu… 
 
À quel niveau se situent les difficultés ?
Sans doute au niveau de la taille du projet, des montants colossaux des investissements. Le moindre détail du contrat de transfert nécessite de longs mois de négociations. Nous sommes régulièrement informés des pourparlers. Le gouvernement guinéen et le nouvel investisseur chinois ont un intérêt stratégique commun : le démarrage du projet. 
 
Et qu’en est-il pour la filière diamant ?
La grande difficulté concernant cette filière est liée aux limites de notre niveau de connaissance sur cette ressource. En termes de quantité et de qualité. Il n’y a jamais eu d’investissement dans la recherche diamantifère. La dynamique de réforme du secteur minier a provoqué un rush de sociétés opérant dans la filière diamant, mais elles sont toutes en phase d’exploration. Nous finalisons un processus d’exploration géophysique et avons des programmes de recherche géochimique pour accumuler le plus de connaissances sur les potentialités minières commercialement exploitables. 
 
La production annuelle de diamant a chuté ces dernières années de plus d’un million de carats à moins de 300 000. Pourquoi ?
Franchement, tant que nous ne disposons pas de connaissances suffisantes, nous ne communiquons pas. Nous sommes en phase de revue stratégique de l’ensemble de nos ressources minières. Cela concerne également la filière or. Il y a une sorte de stagnation du secteur aurifère. Un projet d’extension existe avec le partenaire sud-africain AngloGold Ashanti à travers sa filière SAG (Société aurifère de Guinée). D’autres opérateurs s’intéressent à nos sites. Nous sommes en cours d’évaluation pour d’autres substances comme le graphite et bien d’autres ressources que recèlent notre sous-sol. La résilience du secteur minier tient à la diversification des substances exploitées. Quand les cours du fer se sont effondrés avec les conséquences que l’on sait sur le gisement de Simandou, c’est la bauxite qui a permis au secteur de résister au choc.