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Colette Braeckman

Par Sabine.CESSOU - Publié en avril 2016
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JOURNALISTE

« Un véhicule qui fonce vers le précipice »

Reporter au quotidien belge Le Soir, spécialiste de l’Afrique centrale et des Grands Lacs, elle est l’auteur de nombreux ouvrages sur la RDC et le Rwanda.

AM : Peut-on attendre de Joseph Kabila un revirement sur son apparente volonté de rester au pouvoir ?
Colette Braeckman : Dans son entourage, certains disent : « Attention, il ne s’est pas prononcé. » Comme s’il y avait encore un peu d’espoir. L’impression dominante, cependant, est celle d’un véhicule qui fonce droit vers le précipice, alors que le pays a la chance, pour la première fois depuis l’indépendance, de voir les règles de droit respectées.

L’héritage de Mobutu est-il trop fort pour qu’une alternance se produise ?
La résurgence de pratiques en cours sous Mobutu m’inquiète plus : le dédoublement des partis, la répression et l’achat des voix. Les responsables reproduisent tous les schémas connus de maintien au pouvoir. Si c’est pour faire la même chose que Mobutu, c’était bien la peine de le renverser et de faire deux guerres ! En principe, Joseph Kabila peut encore dire qu’il s’arrête là. Reste à savoir s’il n’est pas prisonnier de son entourage ou devenu un peu autiste, comme Pierre Nkurunziza, le président du Burundi. Difficile de le dire.

La société civile est-elle capable de se mettre debout comme au Burkina Faso ?
La société civile organisée ne me semble pas assez forte, et surtout, elle est achetable. Les jeunes restent la plus grande inconnue de l’équation congolaise. Sont-ils assez nombreux, leur combat est-il assez populaire ? La seule certitude, c’est que la répression sera dure – au point de produire soit un basculement, soit une reprise en main. À mon sens, la mobilisation de la jeunesse à travers tout le pays, et pas seulement dans les grandes villes, à Kinshasa et Lubumbashi, sera plus large qu’on ne le pense. Avec la répression, la RDC risque de perdre tous les acquis de ces dernières années.

Des ex-rebelles sont-ils à votre avis prêts à reprendre les armes ?
Oui, dans l’est du pays, du côté des Banyamulenge et des pro-Tutsis. Une régression démocratique n’arrange pas tous ceux qui réclament la fin de l’impunité. Une partie du jeu se joue au Rwanda.

Kabila a-t-il repris langue avec Paul Kagamé ?
Oui. Il faut savoir qu’ils se trouvent dans la même barque !