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Djibouti

Doraleh : la vie d’après

Par - Publié en novembre 2019
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Le départ des Émiratis de DP World n’a pas ralenti le rythme des investissements dans les infrastructures portuaires et les zones franches. Les projets avancent et les performances du secteur se sont même sensiblement améliorées.
 
À Djibouti, l’épisode de la rupture, en février 2018, de la concession accordée au groupe émirati DP World, avec ses rebondissements, le bras de fer judiciaire et l’emballement médiatique qui ont suivi, est déjà un vieux souvenir. La Société de gestion du terminal à conteneurs de Doraleh (SGTD), entreprise publique spécialement créée pour reprendre le relais de DP World, a réussi à faire oublier les précédents gestionnaires par une sensible amélioration des performances des installations portuaires. Selon Abdillahi Adaweh Sigad, directeur général de la SGTD, l’activité a crû de 35 % au cours des douze derniers mois, grâce à « l’entrée en service de la voie de chemin de fer, en juin 2018, avec deux rotations quotidiennes vers Addis-Abeba, et 100 conteneurs par convoi ». Il ajoute : « Le rythme de rotation qui est passé à cinq en début d’année (soit 500 conteneurs évacués quotidiennement) nous a permis de décongestionner nos quais, d’accélérer le déchargement des navires et de réduire le temps de leur immobilisation. » L’autre avantage du train est qu’il réduit le nombre de camions. Une bénédiction pour la qualité de l’air et la densité du trafic sur la route nationale 1, et la promesse d’une forte réduction des accidents de la circulation.
Contrairement aux apparences, le départ des Émiratis n’a pas ralenti les investissements. Des travaux d’extension du terminal sont en cours et devraient s’achever en 2020. En matière de modernisation des équipements et de la mise aux normes internationales des installations, le patron de la SGTD a annoncé l’acquisition de trois empileurs de portée pour soutenir l’activité de train. Un nouveau RTG(portique mobile sur pneus), utilisé dans les opérations intermodales pour la mise en terre ou l’empilage de conteneurs, est entré en service en avril dernier. Huit autres seront livrés en septembre pour remplacer les anciens RTG et stimuler l’activité ferroviaire, qui devrait passer à huit rotations au cours du quatrième trimestre 2019. Soit 800 conteneurs par jour, et autant de poids lourds en moins sur les routes.
Cependant, le plus gros investissement en cours concerne le projet de Damerjog (3,5 milliards de dollars investis par le groupe privé chinois Poly-GCL, basé à Hong Kong) et son chantier en cours : la construction d’un gazoduc reliant les champs de gaz naturel du bassin de l’Ogaden (Éthiopie) à Djibouti.
La vie sans DP World, c’est également une nouvelle zone franche internationale, la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ) et sa zone économique spéciale (ZES), au PK 23. Elle s’étend sur 48 km2 et sa réalisation, en plusieurs phases, devrait durer quinze ans. L’Autorité des ports et zones franches de Djibouti (APZFD) détient 60 % du capital. Les 40 % restants sont répartis entre le conglomérat China Merchants Group (CMG, à Hong Kong), l’autorité portuaire de la ville de Dalian et IZP Technologies, tous trois chinois. La première phase, inaugurée en juillet 2018, a coûté 370 millions de dollars. Elle est composée d’un site de 240 hectares, comprenant quatre pôles industriels spécialisés dans le commerce, la logistique, l’industrie et les services aux entreprises. Les partenaires du projet avancent que le complexe devrait gérer 7 milliards de dollars d’échanges commerciaux d’ici 2021.
 
L’EMPLOI, LE GRAND DÉFI
Depuis janvier 2019, une phase pilote est opérationnelle. « Nous enregistrons un taux d’occupation de 83 % sur les 34 000 m2 de bâti. Nos clients sont de différentes nationalités : djiboutienne, somalienne, éthiopienne, turque, taïwanaise, yéménite et, bien entendu, chinoise, représentant une soixantaine de compagnies », indique Mahamoud Houssein Dirieh, directeur adjoint de DIFTZ.
Les terrains nus et les aires de stockage sont également demandés par les sociétés. « Nous mettons à disposition des hangars et des terrains, de l’énergie, de l’eau potable et un réseau télécoms à haut débit, explique Mahamoud Houssein Dirieh. Les compagnieslocataires sont libres d’y développer leurs propres infrastructures. » Responsable de la division commerciale et marketing, Ayanleh Ali Abdi est fier de nous annoncer « l’installation prochaine d’un grand constructeur automobile chinois, qui envisage une usine d’assemblage de véhicules d’une capacité annuelle de plusieurs dizaines de milliers de voitures, destinées au marché est-africain. C’est une promesse de recrutement pour des centaines de jeunes Djiboutiens. »
L’emploi est le grand défi qui se pose aujourd’hui au pays, et la ZES du PK 23 constitue un énorme espoir. Selon des estimations officielles, la DIFTZ devrait permettre la création de 12 000 postes au cours des cinq prochaines années. La législation impose aux compagnies qui s’installent à Djibouti une limitation de la main-d’oeuvre étrangère à 70 % de leurs effectifs, pour les cinq premières années de leur projet. Par la suite, ce taux est ramené à 30 %.
 
CHASSEURS DE TÊTES
Une direction baptisée Free Zone Employment Office dédiée au recrutement d’employés pour les sociétés locataires de la ZES a été créée par l’autorité du port, actionnaire majoritaire de la zone franche du PK 23. Ladane Abdoulkader Yacin est directrice adjointe de cette structure : elle nous apprend que depuis le 1er janvier 2019, 130 cadres et 350 manutentionnaires ont rejoint les effectifs des compagnies installées à la DIFTZ. « Nous recueillons les candidatures et les CV, nous organisons des interviews pour évaluer le profil et les compétences du demandeur d’emploi, et nous sélectionnons en fonction des besoins et exigences de l’employeur. » Ce travail, effectué en collaboration avec l’Agence nationale de l’emploi, de la formation et de l’insertion Professionnelle, laquelle dispose d’une base de données nationale en matière de qualification, permet d’élaborer un fichier de candidats potentiels détaillant leurs atouts et leurs faiblesses.Un véritable travail de chasseurs de têtes.
Plus haut bâtiment de la DIFTZ, la tour d’affaires de 16 étages est achevée, ainsi que l’hôtel qui lui fait face. La quasi-totalité des bureaux du bâtiment ont été loués, tandis que la partie appartements de l’hôtel devrait être fonctionnelle au début du quatrième trimestre. Les chambres et les suites (respectivement 60 et 10) entreront en service en 2020. Le staff devrait compter parmi ses effectifs 120 Djiboutiens. Dans les têtes, la page DP World est ainsi définitivement tournée.