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Pour conclure

En mode Nouchi !

Par Emmanuelle Pontié - Publié en février 2023
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Ensuite

 

L’Afrique de l’Ouest le sait depuis longtemps : c’est Abidjan qui donne le ton ! Depuis les années Houphouët et l’embellie économique, le wax et les tailleurs « jolie madame » made in CI traversent les frontières, l’attiéké et les allocos s’invitent dans les assiettes de Bamako, Lomé, Dakar, voire jusqu’en Afrique centrale. Aller à Abidjan, y faire son shopping, s’inspirer des dernières tendances en matière de création, c’est chic ! Et ce qui est encore plus branché, c’est d’employer les expressions populaires locales, les jeux de mots savoureux et les inventions verbales géniales des jeunes issus des quartiers. Bref, de parler nouchi, de parler littéralement « loubard ».

Cet argot apparaît dans les années 1970, et peu à peu, le continent s’en empare. On fréquente une « go », une copine, une fille, une petite cousine. On « s’enjaille », synonyme de faire plaisir et de s’en réjouir. On peut encore « brouter », arnaquer par les sentiments en opérant sur la Toile. Ou être un « boucantier », un frimeur. Autre expression qui a fait long feu : « Y a drap ! », ce qui signifie qu’il y a un (gros) problème. On entend aussi parler de « gros taux », surnom donné aux hommes riches convoités par les jeunes femmes en mal de cadeaux. Ou, a contrario, de « gaou », pauvre type sans le sou qui se fait souvent éconduire par les belles. Un terme immortalisé par le premier tube du groupe Magic System.

Le nouchi, c’est d’abord employé par des jeunes qui maîtrisent mal le français et font une sauce foutou avec des mots empruntés de-ci de-là au baoulé, au bété, à certaines langues ouest-africaines, voire à l’anglais ou l’allemand. Il en résulte une forme de réappropriation du français, seule langue officielle en Côte d’Ivoire malgré la soixantaine de communautés qui composent le pays. Du coup, le français s’enrichit grâce à elles et leurs parlers régionaux, grâce aux tendances rap qui reprennent les termes nouchi pour les populariser au-delà des frontières. Résultat, entre 2017 et 2020, plusieurs mots sont entrés dans les pages des panthéons du vocabulaire french, le Robert et le Petit Larousse : « boucantier », « enjailler » ou « ambianceur » (dont l’origine est disputée avec la République du Congo, où l’on utilise le terme en abondance dans les textes de ndombolo et autres rumbas locales). Et en 2023, rebelote, c’est au tour de « go » et de « brouteur » d’être sanctuarisés dans la langue de Molière. Et c’est une aubaine de la voir s’enrichir chaque année de nouveaux vocables, modernes, « djeuns », venus d’ailleurs, preuve de la vitalité du parler hexagonal.

Bien entendu, d’autres mots provenant des zones francophones du monde entier, et d’autres contrées africaines, y entrent aussi régulièrement. Mais à Abidjan, où l’on est un peuple de sacrés boucantiers, on n’est pas peu fier de faire évoluer le français en y introduisant ses propres mots inventés localement. Une manière de montrer que l’on continue à donner le ton, au-delà même des frontières du continent. Et pour info, un professeur de littérature comparée à l’université Alassane Ouattara, à Bouaké, a publié un dictionnaire du nouchi en 2018, qui comporte plus de 1 000 mots et expressions ! Que Messieurs Larousse et Robert se préparent, la déferlante nouchi ne pourrait faire que commencer !

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