Ensuite à Abidjan
Elle a une histoire. Elle n’est pas née de rien. Elle est un peu comme l’enfant de GrandBassam, un ensemble de villages où vivaient des communautés attiées et ébriées, un emplacement choisi par la puissance coloniale pour y installer ses quartiers généraux politiques et commerciaux. Les traces sont là, elles sont rares, car Abidjan est en mouvement permanent. Elle mute le long de cette incroyable lagune qui fait son identité si particulière. Le président Houphouët-Boigny voulait construire une cité capable de rivaliser avec les autres grandes cités du monde. Le Plateau, ancien « quartier blanc», « quartier des maîtres », deviendra vite l’épicentre de cette ambition. Au fil des années, les autres villes dans la ville vont croître, grandir, défendre chacune leur caractère : Yopougon, Abobo, Adjamé, Marcory, Koumassi… Les vagues de migrations internes et externes, africaines mais aussi d’ailleurs, françaises, libanaises, asiatiques vont tout à la fois bouleverser et enrichir les équilibres originaux. Les crises, économiques et politiques, parfois tragiques, vont freiner la croissance de « Babi ». Mais « Babi » résiste, elle plie mais ne rompt pas, elle sèche ses larmes. Elle n’est plus la capitale politique, et pourtant, elle reste bien au centre du pays, creuset, plus que toutes autres, de toutes les identités ivoiriennes.
L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011 et les années de forte croissance qui vont suivre vont remettre une formidable énergie dans le moteur. On rénove, on construit, les tours montent, on enjambe la lagune par des ponts aussi symboliques que concrets. La nuit, la musique, la culture sont de nouveau au rendez-vous. Les créateurs se retrouvent ici, voguent de maquis en restaurant, de galerie en marché d’art. Avec la croissance, le bond de cette dernière décennie, Abidjan, c’est aussi la cité du business et des affaires, des entrepreneurs, des pirates également, attirés par ce qui brille. Les avions font le plein, le voyage n’est pas donné, les hôtels, nouveaux ou plus anciens, allument leurs néons et affichent leurs étoiles. Ça bouge, ça fusionne, ça crée, ça rêve en grand. Et puis, il y a cette touche particulière, cette ouverture vers l’extérieur, à l’autre, les maisons qui accueillent l’étranger… C’est rare, finalement.
Le Covid-19 entamera à peine ce dynamisme parfois débridé. Juste une pause dans l’activité et la congestion. Mais depuis, les travaux ont repris, les embouteillages aussi, on pense encore à demain, et plus particulièrement à cette Coupe d’Afrique des nations qui arrive, tout début 2024, défi pour la ville et défi pour le pays.
Évidemment, la médaille a ses revers. Abidjan, comme toutes les grandes métropoles émergentes, n’échappe pas aux inégalités brutales, aux désordres, aux quartiers spontanés, au manque d’infrastructures, aux défis posés par le climat et le développement durable. Et les efforts qui sont faits pour rattraper le retard, doivent anticiper, en même temps, le futur. Il faut tout à la fois restructurer et penser à demain, à ce qui sera dans dix ou quinze ans. « Comprendre » Abidjan avec ses frontières élargies qui iront quasiment de Jacqueville à Assinie, avec ses 10 millions d’habitants. Une ville plus grande que New York… Il faudrait même s’inscrire dans un horizon encore plus large, plus lointain, dans le demi-siècle à venir. Entre Abidjan et Lagos est en train de naître l’une des grandes « mégalopolis » du futur, 1 200 kilomètres de zones urbaines se touchant pratiquement les unes aux autres, en passant par le Ghana, le Togo, le Bénin…
Ensuite vous invite donc à ce voyage entre hier, aujourd’hui et demain, un voyage à Abidjan, ville ouverte, Perle des lagunes, cité définitivement « afro-globale ». Bonnes routes !
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L’Afrique de l’Ouest le sait depuis longtemps : c’est Abidjan qui donne le ton ! Depuis les années Houphouët et l’embellie économique, le wax et les tailleurs « jolie madame » made in CI traversent les frontières, l’attiéké et les allocos s’invitent dans les assiettes de Bamako, Lomé, Dakar, voire jusqu’en Afrique centrale.
Début décembre, Time, le grand hebdomadaire américain, s’est posé la question : 2020 a-t-elle été la pire année de l’histoire ? Évidemment, le tropisme du débat est propre à cette nation de « conquérants optimistes »... Et oui, il y a nettement pire dans l’histoire du monde, des guerres (à l’échelle de la planète), des épidémies dévastatrices (la fameuse peste noire du Moyen Âge, par exemple), des famines, des astéroïdes si l’on remonte à la nuit des temps… Mais pour tous les êtres humains vivant aujourd’hui, le choc 2020 est stupéfiant. Unique. Au-delà de notre expérience. Beaucoup d’entre nous sommes des enfants de l’après-guerre justement, du baby-boom (années 1950-1960), les héritiers des indépendances aussi, d’autres sont des kids de la génération Z (celle des enfants du numérique), tous acteurs et spectateurs d’un formidable accroissement des richesses et d’un recul sans précédent de la pauvreté dans l’histoire de l’humanité.
Ce n’est pas un sujet festif. Je sais. Et c’est fait exprès. C’est aussi un thème que l’on aborde ici parfois autour du 8 mars, consacré Journée internationale des droits des femmes depuis 1911. Mais plus récemment, le 25 novembre a été déclaré Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Et en ces temps de Covid-19, où les confinements successifs ont fait exploser ces agressions à travers le monde, et notamment à domicile, il est bon de rappeler, justement entre deux agapes de fin d’année et lorsque les vœux sont à l’honneur, qu’un nombre toujours incroyable de femmes souffrent au quotidien.