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Perspectives

La méthode nouakchott

Par Luisa Nannipieri - Publié en mai 2022
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SHUTTERSTOCK  ​
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​​​​​​​Face à la situation sécuritaire dégradée au Sahel, la Mauritanie apparaît comme stable et protégée des violences. Un modèle fragile basé sur la croissance économique, l’arabisation de la société et un dialogue délicat avec l’islam politique.

Une étendue infinie de sable ocre. À cheval entre le Sahara et le Sahel, le désert mauritanien est un espace de liberté sans frontières, à l’instar de la culture nomade. Un million de kilomètres carrés où la transhumance et l’élevage régissent la vie des hommes. Sortie des sables à la fin des années 1950, la capitale Nouakchott n’était auparavant qu’un « petit port de pêche rabougri », se souvient dans ses Mémoires Moktar Ould Daddah, le premier président du pays. Après l’indépendance, en 1960, les anciens nomades découvrent la sédentarité, répondant à un besoin de légitimation d’un nouvel État. En effet, depuis 1920, ce territoire était une colonie intégrée à l’Afrique-Occidentale française (AOF), administrée depuis Saint-Louis, au Sénégal. Un siècle plus tard : 1 million d’habitants se sont approprié la nouvelle capitale, soit un quart d’une population disséminée sur un territoire trois fois plus grand que l’Allemagne. 
La Mauritanie est aujourd’hui l’exception de la bande sahélienne tant d’un point de vue sécuritaire qu’économique. Le PIB par habitant (1 672,92 dollars en 2020) y est deux fois supérieur à celui des voisins maliens (858,92 dollars) et burkinabés (830,93 dollars), notamment grâce à son industrie minière. Or, argent et surtout fer : la gigantesque mine de fer située au nord du pays près de Zouerate est la locomotive économique du pays. Détenue à 80 % par la Société nationale industrielle et minière de Mauritanie (SNIM), cette filière, qui emploie 6 000 personnes dans le pays, représente 15 % du PIB et 30 % des recettes annuelles de l’État. Elle rend néanmoins l’économie nationale tributaire des cours des matières premières. Tout comme l’aluminium, le fer est devenu plus onéreux durant la pandémie, et continue de grimper sur fond de guerre en Ukraine. Pour le moment, les vents sont donc favorables. Le prix de la tonne a atteint 150 dollars en mars 2022, contre 100 dollars en janvier 2020. Alors que la production annuelle stagne autour de 11 millions de tonnes, la SNIM s’est fixé comme objectif la vente de 13,5 millions de tonnes en 2022. L’objectif d’intégrer le top 5 mondial des exportateurs de fer avec 40 millions de tonnes annuelles est encore un lointain mirage. 

OLIVIER PAPEGNIES - RÉGIS DUVIGNAU/POOL/AFP
OLIVIER PAPEGNIES - RÉGIS DUVIGNAU/POOL/AFP

À quelques encablures de la frontière malienne, la base de Nbeiket Laouach abrite la force conjointe du G5 Sahel: Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mali. Des tranchées de protection sont creusées dans la terre sablonneuse, et protègent les 700 soldats du pays stationnés sur place. « Les opérations militaires conjointes sont pour le moment quasiment inexistantes », relève un officier. Dans le camp : des véhicules toutterrain équipés de mitrailleuses M80 sont alignés. Les hommes, eux, portent des kalachnikovs ou des lance- roquettes RPG7. Ces unités mobiles ont remplacé les formations lourdes et inadaptées au modèle de lutte contre les groupes armés. Alors que les groupes méharistes jouent un rôle de police de proximité et d’aide aux populations, ces escadrons motorisés sont destinés exclusivement au combat antiterroriste.

THOMAS SAMSON/AFP
THOMAS SAMSON/AFP