Le défi de la terre, l’agroécologie
La perspective est glaçante : selon l’Agence française de développement (AFD), « face à son essor démographique et au défi de la sécurité alimentaire, le continent doit tripler sa production agricole à l’horizon 2050 ». Mais des solutions existent : face à l’épuisement des sols, au coût des intrants et au réchauffement climatique, un nombre croissant d’agriculteurs africains se tournent vers l’agroécologie. Ou, plus exactement, retournent à l’agroécologie : en Afrique, il y avait toujours des arbres dans les champs. La monoculture est un apport du colonialisme et de ses plantations exportatrices. Dès les années 1980, au Burkina Faso, Thomas Sankara planchait sur l’agroécologie et lançait l’idée d’une muraille verte entre Dakar et Djibouti afin de freiner la désertification. Amorcée en 2005, la muraille verte, imaginée comme une « ligne Maginot écolo » (selon l’expression de l’agronome français Marc Dufumier), a depuis pris la forme discontinue d’une myriade d’initiatives de différentes communautés villageoises… et fait l’objet de coups de com’ étatiques (tels ces 4 milliards d’arbres plantés en six mois, en 2019, en Éthiopie, via la mobilisation de toute la population !). La bonne nouvelle, c’est que ça semble fonctionner : là où l’on reboise, la pluviométrie revient.
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Il y'a quelques temps, dans le monde d’avant, un ami subsaharien nous avait résumé de manière frappante la perspective historique : « Nous aurions pu être comme les Indiens d’Amérique, balayés par la puissance de l’Occident, réduits à des réserves sur notre propre territoire. Mais nous avons survécu, et nous sommes bien vivants. » Oui, l’Afrique a survécu, elle s’est émancipée, elle passe les tempêtes, résiliente. On lui prédit régulièrement le chaos, la crise, l’effondrement. Depuis les années 1960, l’afropessimisme est une valeur sûre…
Une parenthèse tragique et non un point de départ : c’est ainsi qu’il faut percevoir les traumatismes de la traite puis du colonialisme. Nonobstant la colonie du Cap (1652) et une poignée de comptoirs, l’Afrique ne fut colonisée que moins d’un siècle, du partage de Berlin (1885) aux indépendances. Un siècle de spoliations qui ne saurait oblitérer des millénaires de complexité, malgré les discours ineptes sur l’homme africain « sans Histoire » (pour ne citer que Hegel…). Chacun connaît Lucy, hominidé de 3,4 millions d’années mis au jour en 1974 en Éthiopie, ou son aîné Toumaï, de 7 millions d’années, découvert au Tchad.
L’AFRIQUE est riche en ressources, et en énergie… et en talents. Son sous-sol est un trésor et son sol aussi. Elle dispose encore de 50 % des réserves mondiales de terres non cultivées ! L’Afrique est riche, mais ses citoyens sont pauvres. Elle est riche, mais encore dépendante d’un système hérité largement du modèle colonial et de son intégration dans l’économiemonde. Elle exporte ce qu’elle ne consomme pas. Et elle importe ce qu’elle consomme – pour schématiser.