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Les chantiers du social

Par François.BAMBOU - Publié en novembre 2018
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Parmi les ambitions à court terme : combler le déficit d’accès à l’eau potable et concrétiser le projet de couverture maladie universelle.

C’est un projet pharaonique que Paul Biya a imaginé pour régler le problème des pénuries d’eau potable dans la capitale : transporter l’eau sur près de 70 km depuis le fleuve Sanaga jusqu’à Yaoundé, où la capacité de production est actuellement de 185 000 m3/jour, face à une demande d’au moins 300 000 m3/jour. D’un coût de 400 milliards de francs CFA, le projet d’alimentation de la ville de Yaoundé et ses environs à partir du fleuve au niveau de Batchenga, qui a démarré sur le terrain, aura une capacité de production de 300 000 m3/jour (extensible à 400 000). Dans les autres villes, il s’agira de veiller à l’achèvement des projets d’adduction en cours. Le 17 septembre 2018, dans la région de l’Ouest, la station de pompage du pont de la Metché a été réceptionnée après des travaux d’extension qui ont coûté 41,5 milliards de francs CFA. Un investissement qui devrait permettre de passer d’une production actuelle de 17 000 m3 à 27 000 m3 d’eau par jour, et qui avec 400 km de canalisations posées rendra possible la distribution d’eau potable jusqu’en 2030 dans plusieurs localités de cette région montagneuse, telles que Bafoussam, Bandjoun, Baham, Bayangam, Bangou, Dschang et Mbouda. Toujours dans l’Ouest, une opération semblable a eu lieu pour les villes de Bafang et Banka. Même scénario à Bertoua dans l’Est, ou dans les villes des régions du Nord, du Centre et du Littoral.
Après la mise en oeuvre d’un programme d’investissements d’environ 400 milliards de francs CFA pour accroître l’offre d’eau potable dans 83 centres à travers le pays, grâce à l’apport de nombreux bailleurs de fonds tels que la Chine, la Banque mondiale et l’Agence française de développement, un Plan directeur de l’hydraulique urbaine et périurbaine d’un coût total d’environ 1 760 milliards de francs CFA a été élaboré. Objectif : porter le taux de desserte à 85 % dans 213 villes sur l’étendue du territoire à l’horizon 2032.
 
Réduction du coût des soins
À défaut d’adduction d’eau dans les villages reculés, l’État multiplie les forages dotés de pompes à motricité humaine. Outre le fait que l’accès à l’eau est un indicateur de développement, c’est également au Cameroun un enjeu majeur de santé publique, puisque les maladies hydriques causent régulièrement des épidémies dans certaines parties du pays. Dans le secteur précisément de la santé, où Paul Biya est très attendu, il s’agit de réaliser un saut qualitatif révolutionnaire : « Faciliter l’accès aux soins de santé et aux médicaments de qualité est une autre façon d’améliorer les conditions de vie de notre population, surtout pour les plus démunis. Des progrès indéniables ont été réalisés à cet égard. Ils restent insuffisants. C’est pourquoi nous continuerons à ouvrir de nouveaux centres de santé et à apporter à nos formations hospitalières les équipements de pointe qui leur font défaut parfois. Dans toute la mesure du possible, nous étendrons la gratuité ou la réduction du coût des soins pour les pandémies ou les maladies infantiles. La mise en place, dans le cadre de notre système de sécurité sociale, d’un dispositif d’assurance maladie facilitera l’accès aux soins des moins favorisés », indique le chef de l’État. Le budget du secteur de la santé, en constante hausse chaque année, est alloué pour l’essentiel aux secteurs prioritaires de la santé de la mère, de l’enfant et de l’adolescent (vaccins et soins gratuits, construction de pavillons spécialisés dans les hôpitaux). Autre défi important, remobiliser les personnels hospitaliers autour de l’exigence de qualité dans la prestation de soins médicaux. Ces dernières années, du fait de l’insuffisance des plateaux techniques, de l’incompétence du corps médical ou de la nonefficience des procédures d’accueil et de prise en charge, certains hôpitaux camerounais ont été le théâtre de drames qui ont choqué l’opinion. De nouveaux protocoles ont été édictés à la suite, selon les termes du ministre de la Santé André Mama Fouda, de ces « événements malheureux survenus dans certains hôpitaux et conduisant à une forte dégradation de l’image de marque de l’hôpital public et du corps médical ». 26 mesures d’application impératives ont été publiées pour tous les hôpitaux, afin de restaurer un service normal. Il s’agira donc au cours des prochaines années de mettre à niveau les normes de travail dans environ 5 900 formations sanitaires, dont quelque 2 675 entités publiques, près de 750 établissements appartenant aux fondations religieuses, et 2 430 cliniques et centres de santé privés de proximité. Une tâche herculéenne. Le chef de l’État devra aussi veiller à accélérer les travaux du plan d’urgence santé, lancé en 2015, et qui comprenait la remise à neuf des plateaux techniques des hôpitaux de référence et la construction de huit autres établissements dans les régions, en plus des cinq structures ultramodernes construites ces dernières années. En tout, ce sont quelque 38 207 personnes qui travaillent dans le système médico-sanitaire camerounais. Le développement rapide de nouvelles infrastructures hospitalières devrait accroître ces besoins en ressources humaines. Un défi pour la dizaine de facultés publiques et privées de médecine et de pharmacie, ainsi que pour la centaine d’écoles d’infirmiers et de laborantins. Mais l’attente la plus importante reste la concrétisation d’un système de couverture universelle de santé. Pour l’heure, 70 % des frais de santé sont supportés par les ménages, et les mutuelles ne couvrent qu’à peine 3 % de la population. Une situation qui pénalise les faibles revenus. Les études sont à ce jour terminées pour la mise en place de cette couverture universelle, assure-t-on au ministère de la Santé. « Il ne reste plus qu’à organiser l’affiliation par un système d’immatriculation biométrique avec l’assistance des communes, le recouvrement des contributions des travailleurs et retraités du secteur formel (public, privé) ainsi que celles des populations actives de l’économie informelle et du secteur agricole (secteur le plus important avec près de 80 % des travailleurs). Les sous-groupes du comité interministériel travaillent également à structurer l’accréditation des formations sanitaires et le rôle des ordres professionnels du secteur à l’identification et la gestion des populations indigentes, incapables de payer une contribution, ainsi qu’à la conception du cadre législatif de la couverture maladie universelle », assure un haut responsable de ce département ministériel.