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C'est comment ?

Manger Afrique !

Par Emmanuelle Pontié - Publié en juin 2020
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Entre autres tristes conséquences, la pandémie mondiale de Covid-19 aura (re)montré à quel point l’Afrique est dépendante des plans agricole et alimentaire. Pas seulement à cause de la sécheresse ou de la pauvreté. Mais d’abord à cause de politiques totalement dysfonctionnelles. Produire en masse du cacao, du café ou du coton pour l’étranger – sans jamais parvenir à le transformer localement – ou viser l’industrialisation à tous crins de la production de l’anacarde, c’est bien, mais ça ne nourrit pas son homme. Localement. Ni dans le portefeuille, ni dans l’écuelle. 
 
La culture vivrière, de proximité, naturellement bio, va devoir s’imposer comme une évidence. Et les gouvernements auront rapidement intérêt à la soutenir, l’encadrer, la promouvoir.
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En gros, l’Afrique n’arrive pas à produire ce qu’elle consomme et exporte ce qu’elle ne peut pas transformer. On tourne un peu en rond. La dépendance par rapport au riz au Sénégal, qui importe de Chine l’ingrédient principal du thiéboudiène, n’est pas normale. Il faut se débrouiller pour abaisser les coûts de production locaux. Acheter des poulets fumés hors de prix à Libreville, qui les fait venir d’Afrique du Sud, n’a pas de sens. Il faut élever, cultiver made in Gabon, développer les routes pour acheminer les denrées, etc. 
 
Bref, la crise du Covid-19, qui a entraîné la fermeture de la plupart des frontières, a été un choc pour les assiettes africaines. Le sujet n’est pas nouveau. Les experts, projets et autres fonds se bousculent au chevet des agricultures du continent, sans jamais finalement résoudre la problématique du consommer local. En Afrique centrale, les ministres font pousser des vergers au village sur les terres de leur résidence, c’est très chic, mais bon… 
Côté politique pour tous (c’est un pléonasme), pas mal de pays et de peuples attendent encore… Je ne suis pas spécialiste, mais il me semble que revoir en urgence les modèles agricoles et alimentaires est une évidence. Et si deux ou trois mois de crise sanitaire mettent à ce point à mal l’approvisionnement en nourriture de 1,2 milliard d’Africains, que se passera-t-il dans trente ans, quand le continent comptera, selon les projections démographiques les plus raisonnables, 2,5 milliards d’habitants ? 
 
Alors créez, innovez, et remettez l’être humain au centre des politiques. C’est juste vital.