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MARIE MADELEINE NGA

Par François.BAMBOU - Publié en novembre 2017
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Coordinatrice du Programme national de développement participatif, elle est l’architecte de la planification des 360 communes du pays, qui entre dans sa troisième phase.
 
AM : Le Programme national de développement participatif est entré dans sa troisième phase. Quels montants ont été investis à ce jour, et pour quels résultats ?
Marie Madeleine Nga : Le PNDP a été conçu pour trois phases de quatre ans chacune. La première phase, dite « d’initiation », s’est étalée d’octobre 2004 à décembre 2009, et concernait 155 communes de 6 régions. Elle a été suivie par une deuxième phase dite « d’extension », de janvier 2010 à novembre 2013, couvrant 329 communes dans les dix régions du Cameroun. La troisième phase, qui a démarré depuis 2016, devrait aller jusqu’en 2019, et étendre le Programme à toutes les communes d’arrondissement permettant ainsi de couvrir toutes les 360 communes du Cameroun. Elle vise principalement à assurer la consolidation des acquis. Le PNDP est une déclinaison à l’échelle communale du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) qui fixe les axes prioritaires de développement de l’État. 
Sur les deux premières phases, le PNDP a bénéficié de l’appui de la Banque mondiale (60 millions de dollars), de l’Agence française de développement, à travers les fonds du Contrat désendettement développement (C2D) (77,77 millions d’euros), de la KFW pour la mise en oeuvre d’activités spécifiques à l’Extrême- Nord (7 millions d’euros), du JSDF notamment, le GEF pour la mise en oeuvre du Projet de gestion durable des terres dans quatre régions (Nord, Adamaoua, Centre et Ouest) pour un financement de 6 millions de dollars.
Selon différentes évaluations indépendantes, les premiers résultats des actions du PNDP sont très encourageants. D’après l’Institut national de la statistique (INS), elles ont permis d’améliorer les conditions de vie de plus de 2 millions de Camerounais vivant en zones rurales.
Le PNDP a fortement contribué au renforcement des capacités techniques et opérationnelles des communes et aidé à la modernisation de la chaîne budgétaire et comptable des communes. Grâce à l’installation du logiciel SIM_ba, 329 communes ont été accompagnées à l’élaboration de leur Plan communal de développement(PCD). Ce précieux outil de pilotage et de planification à l’échelle communale a permis d’identifier et de cofinancer dans les dix régions du pays, plus de 4 000 microprojets d’accès à l’eau, d’électrification, de construction d’établissements scolaires ou de santé, de routes rurales.
Le PNDP a également mis en oeuvre des opérationsn spécifiques telles que le Projet de gestion des plantes médicinales, qui a permis de former 900 personnes aux techniques d’inventaires des plantes médicinales. De même, à travers le Projet de gestion durable des terres et des systèmes agro-sylvo-pastoraux, près de 293 microprojets ont été mis en oeuvre en vue d’enrayer la dégradation des terres dans certaines régions. Le projet Haute Intensité de main-d’oeuvre (HIMO) se met en oeuvre à l’Extrême-Nord et permet de sédentariser des milliers de jeunes en leur donnant les moyens d’une insertion socio-économique.
 
Quels sont les objectifs de cette troisième séquence ?
Renforcer la gestion des finances publiques locales ainsi que la fourniture en infrastructures et en services socio-économiques durables. Ce troisième volet permettra aussi de faciliter l’éclosion d’une économie locale et d’améliorer le contrôle de l’action publique. L’idée est de faire des communautés les véritables acteurs de leur développement. Enfin, en vue de créer une certaine émulation dans les communes, le PNDP 3 propose une prime à la performance basée sur un ensemble de critères. L’édition de 2017 a récompensé en septembre dernier deux communes primées par région, à hauteur de 50 000 000 francs CFA, soit 20 communes sur l’ensemble du territoire, ceci pour un montant total d’un milliard.
 
Comment améliorer la gouvernance dans les collectivités territoriales décentralisées ?
Nous accompagnons les communes dans la gestion budgétaire et comptable à travers le déploiement sur l’ensemble du territoire du progiciel SIM_ba, car l’informatisation de la gestion financière facilite la production des comptes de gestion, des comptes administratifs et des états financiers. Nous organisons aussi des sessions de renforcement des capacités pour les responsables et mettons à disposition des agents communaux pour installer des process durables, identifier les niches de développement, élargir l’assiette fiscale. En outre, les communes sont accompagnées dans le processus d’élaboration de leur plan d’investissement annuel. Nous appuyons aussi les communes dans leurs actions de communication. À ce jour, huit radios ont été réhabilitées tandis que douze nouvelles ont été créées en faveur des collectivités territoriales décentralisées.
 
Le PNDP dynamise-t-il l’économie à travers la stimulation de la production locale ?
Pour qui suit de près l’activité du PNDP, il comprendra que les infrastructures ne sont que la partie visible, l’iceberg des actions du programme. La partie immergée est ancrée sur les mécanismes durables mis en place pour donner aux communes les moyens de dynamiser l’économie locale et développer les territoires ruraux. Et l’outil phare de cette action, c’est le plan communal de développement (PCD). Il identifie avec plus de précisions les besoins des populations et offre des idées de projets pour l’ensemble de la commune, lesquels n’attendent que l’identification du financement, en dehors du modeste appui du PNDP, pour donner un coup de fouet à l’économie locale.
L’objectif, en toile de fond, est le même : donner aux communes les moyens d’une prise en main autonome des défis de leurs territoires.  
 
Où en est justement la mise en oeuvre de ces plans communaux de développement ?
Le PCD est un document qui favorise la participation de tous les acteurs au niveau local, définit la vision à long terme du développement social, économique, environnemental et culturel de la commune. De par son organisation en secteurs, c’est l’ outil idéal pour l’identification des besoins sectoriels à consolider dans le cadre de l’élaboration du budget d’investissement public. À ce jour, 329 plans communaux de développement ont été élaborés. Depuis le premier trimestre de cette année 2017, nous avons engagé un vaste chantier d’actualisation de plus de 85 PCD élaborés depuis plus de quatre ans, en y intégrant des thématiques et problématiques nouvelles comme la prise en compte des réfugiés. Nous comptons d’ailleurs étendre l’actualisation à 70 autres PCD d’ici la fin de l’année. Le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, qui chapeaute et oriente notre activité, a mis sur pied un groupe de travail qui planche sur un mécanisme visant à prendre en compte les PCD dans la programmation des projets d’investissements des collectivités territoriales décentralisées.
 
Au-delà des communes, il existe des populations autochtones vulnérables telles que les Bororos ou les Pygmées. Que fait le PNDP pour ces cas particuliers ?
Ces populations sont des bénéficiaires directs de nos interventions. Déjà, pendant le processus d’élaboration des PCD, leurs besoins spécifiques et pistes de solutions sont pris en compte. Avec le projet de gestion durable des terres évoqué plus haut, les Bororos ont bénéficié de nombreux appuis directs, notamment pour la mise en place des champs fourragers dans la région de l’Adamaoua.
Il y a également le plan de développement des peuples pygmées (PDPP) qui a pour objectif général d’assurer que le processus de développement engagé favorisera le respect total de la dignité, des droits de la personne et la culture des peuples autochtones. Il est mis en oeuvre dans les 37 communes les abritant. Ce projet permet de leur faciliter l’établissement de documents administratifs, d’assurer l’approvisionnement en médicaments des centres de santé qu’ils fréquentent ou encore d’améliorer leur représentativité dans les instances de décision.