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MC Solaar Messie des MC

Par Sophie Rosemont - Publié en janvier 2018
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Après une décennie de silence, Claude M’Barali s’offre un retour de toute beauté avec un huitième album bien nommé, Géopoétique.

« TANDIS QU’ILS PRENNENT les sashimis comme d’hab’ moi je prends le maki » : ne fût-ce qu’une simple punchline, qui conjugue agilité de la plume, goût du jeu de mots et engagement (ici dans le titre « La Clé »), et tout le monde est d’accord : Solaar demeure le grand prêtre du rap français. Pourtant, sa carrière n’a pas été un long fleuve tranquille, bousculée par les tensions avec ses labels, notamment après le succès de Prose Combat, au milieu des années 90. De plus, l’artiste voulait aussi profiter de ses deux enfants afin de pouvoir les voir grandir sans contraintes de tournées. Il fallait donc se retirer dans l’ombre, mais sans tomber dans l’oubli. En effet, la ferveur demeure autour de cet artiste lettré, qui a fait du hip hop français un terrain de jeux sonores et stylistiques. En témoigne l’excellente réception de Géopoétique, publié dix ans après Chapitre 7, alors que l’on ne croyait plus au retour de MC Solaar. Malgré le temps passé, la voix n’a pas changé, même si la trame musicale, elle, brille par son éclectisme. Enregistré dans le studio du beatmaker Tefa (Kery James, Diam’s) et produit avec les fidèles Eric K-Roz et Alain J, le disque ose les contrastes entre rap, musique classique, jazz (« Géopoétique »), trap (« Eksassaute », « L’Attrape-Nigaud »). Il ne se prive pas non plus d’honorer la mémoire de Serge Gainsbourg. Après un « Nouveau Western » qui samplait « Bonnie & Clyde », « Super Gainsbarre », duo avec l’une des découvertes de « The Voice », revisite « Initials B.B. » et assume pleinement son héritage. Sans pour autant oublier ses racines puisque que « AIWA » et « Pili-Pili » chantent leur amour pour les paysages lointains ou l’Afrique des ancêtres : « Ici Sadio se transforme en B-Boy / On doit en baver pour la bavette d’aloyau / On chauffe au toto et puis on troque au yoyo / Afrique envers toi nous devons rester loyaux. » Ainsi, lorsque Solaar chante qu’il se rapproche de l’automne de sa vie dans « Sonotone », on salue l’autodérision et sa philosophie existentielle, à la fois fataliste, pacifiste et combative malgré tout. Mais on ne le croit pas une seconde : les messies possèdent la jeunesse éternelle, n’est-ce pas ?

par Sophie Rosemont