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C'est comment ?

Rentrée-chaos

Par Emmanuelle Pontié - Publié en novembre 2019
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Franchement, j’admire les familles et les enfants qui arrivent à faire face à la rentrée des classes. On nous rebat les oreilles (évidemment, à juste titre) sur les bienfaits incommensurables de l’éducation, de l’école pour les jeunes filles, des cahiers et des bouquins garants de l’avenir des jeunes et du continent. Yep ! Alors, pourquoi tant de haine et de vents contraires aux abords des sacro-saints mois de septembre et octobre ? Chaque année, c’est le même parcours du combattant, épuisant, coûteux, décourageant.

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Bien sûr, je ne parle pas des nantis qui inscrivent leur progéniture dans l’école bilingue ceci ou l’école française cela. Eux ne regardent pas à la dépense et bénéficient de conditions privilégiées, comme une rentrée à l’heure, des profs à leur poste de travail, etc. La norme, quoi ! Je pense aux autres (plus de 90 % des familles africaines) qui doivent se battre, parfois en vain, pour que leurs petits puissent accéder à l’école.La rentrée, qui a lieu à des dates diverses – comme le 2 septembre au Cameroun, le 1er octobre au Mali ou au Tchad –, génère d’énormes frais. Les banques proposent des prêts à cet effet, à des taux faramineux. Et en Afrique centrale, les tontines vont bon train. Il faut payer l’inscription, les cahiers, les livres, les fournitures, le transport, voire apporter son banc. Neuf fois sur dix, les soutiens ou aides de l’État prévus sur le papier à l’intention des parents les plus démunis sont dérisoires ou ne sont pas versés.
Une fois l’enfant miraculeusement fin prêt pour partir, cartable sous le bras, il faut encore compter avec les grèves des enseignants, légions en cette période. Ces derniers râlent de manière récurrente sur les retards de salaires, parfois abyssaux, dont ils sont victimes.
Autre phénomène très fréquent : les écoles sans instits. Ceux-ci boudent les affectations loin des capitales et, dans les coins reculés des pays, il n’est pas rare de trouver un établissement totalement déserté, avec des herbes qui ont poussé dans les salles de classe, à l’abandon depuis des lustres. Ajoutez à cela que les zones inaccessibles pour raison de sécurité, comme en ce moment la zone anglophone du Cameroun ou certaines provinces burkinabées, peuvent priver d’enseignement la plupart des petits. Et migrer dans un établissement plus lointain, ailleurs, est souvent impossible.
Bref, les programmes multiples, les espoirs réels et la volonté affichée des gouvernements semblent témoigner d’un souhait général que la rentrée ait bien lieu et dans de bonnes conditions. Dans les discours. Dans la réalité, ça reste l’enfer. Pour
combien d’années encore ?