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Se réconcilier avec la profondeur de son histoire

Par Cédric Gouverneur - Publié en octobre 2020
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Une parenthèse tragique et non un point de départ : c’est ainsi qu’il faut percevoir les traumatismes de la traite puis du colonialisme. Nonobstant la colonie du Cap (1652) et une poignée de comptoirs, l’Afrique ne fut colonisée que moins d’un siècle, du partage de Berlin (1885) aux indépendances. Un siècle de spoliations qui ne saurait oblitérer des millénaires de complexité, malgré les discours ineptes sur l’homme africain « sans Histoire » (pour ne citer que Hegel…). Chacun connaît Lucy, hominidé de 3,4 millions d’années mis au jour en 1974 en Éthiopie, ou son aîné Toumaï, de 7 millions d’années, découvert au Tchad. On pourrait parler de l’Égypte des pharaons ou de la création de la mosquée de Kairouan, au VIIe siècle. Qui sait qu’au XIVe siècle la fortune de Mansa Moussa, empereur du Mali, était telle que, lorsqu’il partit en pèlerinage à La Mecque avec sa suite, ses dépenses somptuaires firent chuter le cours de l’or ? Et que l’on dit de lui qu’il est l’homme le plus riche de l’histoire universelle ? Qui sait qu’à la même époque le royaume du Zimbabwe (« Maisons de pierres » en shona) commerçait avec la Chine, des siècles avant la « Chinafrique » ? Ainsi que le résume le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, « l’Europe apportait à l’Afrique “la” et “sa” civilisation : pour apporter une civilisation à une région, mieux vaut déclarer qu’elle n’en a pas… ». Il est donc temps de clouer le bec à Hegel en se réappropriant l’histoire multimillénaire du continent, en l’enseignant à nos enfants. L’avenir, c’est aussi la prise en compte de la richesse du passé.