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Tribune : de la vertu de l’endettement

Par - Publié en juin 2018
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Pour le gouverneur de la Banque centrale de Djibouti, le pays a parfaitement les moyens de faire de sa dette un instrument essentiel dans sa stratégie de développement.
 
Pour les ménages, les entreprises ou les États, l’emprunt est un outil économique nécessaire, voire indispensable, au développement. C’est pourquoi on s’accorde à penser que l’endettement est une vertu alors que le surendettement constitue un risque de rupture. Pour éviter ce risque, les banques limitent le taux d’endettement des ménages à 30 % du revenu. Les institutions financières internationales apprécient le surendettement des États par le rapport dette/PIB à moins de 60 % mais la soutenabilité de la dette varie en fonction des projets et des pays. Ce risque peut être faible même si le taux dépasse les 100 % du PIB, comme c’est le cas de nombreux pays (USA, Japon…) La dette de Djibouti se situe à 94 %. Constitue-t-elle un facteur de risque ? Comme nombre de pays développés ou en développement, Djibouti est surendetté mais n’est pas pour autant en situation de risque. Pour deux raisons.
L’endettement est la résultante d’un choix de politique réfléchi et cohérent, résultante d’un déficit budgétaire chronique. Ensuite, les investissements financés par emprunt portent sur des facteurs de production et de croissance à même de supporter les services de cette dette.
Djibouti a amorcé son décollage économique au début des années 2000, avec l’arrivée au pouvoir d’Ismaïl Omar Guelleh, chef d’État pragmatique et visionnaire, ayant su redresser le pays pour le sortir des difficultés économiques et sociales des années 1990 et donner les orientations stratégiques pour asseoir durablement la croissance économique. Compte tenu des caractéristiques du pays, notamment son positionnement géostratégique privilégié, le pari d’ériger Djibouti en hub logistique et financier à vocation régionale et, à terme, internationale, s’est avéré gagnant. Îlot de stabilité politique dans une région marquée par des conflits permanents, Djibouti a su, en l’espace de deux décennies, hisser son économie au niveau des pays émergents d’Afrique, à la faveur d’importantes réformes macroéconomiques et d’investissements massifs dans les secteurs porteurs (transport, télécommunication, énergie, etc.), mais également dans les secteurs sociaux (éducation, santé, eau, etc.). Résultat : une hausse du PIB de 4 à 5 % en moyenne entre 2004 et 2014, pour ensuite monter à 6 % en 2015-2016 et à 7 % en 2017 et 2018. Le tout avec une inflation maîtrisée à 3 %. La dette contractée et garantie par l’État a augmenté à partir de 2014, le ratio passant de 50 % à 94 % du PIB en 2017. Il convient de rappeler qu’il s’agit d’emprunts extérieurs à des entreprises publiques marchandes dans des secteurs stratégiques pour le pays. Ils ont servi au financement d’un projet d’adduction d’eau en provenance d’Éthiopie (322 millions de dollars), à la construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer électrique reliant Djibouti à l’Éthiopie (492 millions de dollars) et à la réalisation d’un nouveau port multifonctions (340 millions de dollars). Les trois projets répondaient à des défis absolument cruciaux pour le développement de Djibouti. Le premier visait à apporter une réponse adéquate au stress hydrique. Les deux autres visaient à soutenir le développement de la chaîne logistique et de transport, secteur pourvoyeur de croissance, et à moderniser les infrastructures pour faire face à la concurrence accrue des ports de la région. Faute de ressources internes, l’endettement extérieur s’est imposé comme alternative pour financer les opérations de développement.