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Une terre d’innovation et d’entrepreunariat

Par DOUNIA BEN MOHAMED - Publié en septembre 2018
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La promotion des nouvelles technologies est aussi au coeur des processus de modernisation de l’économie nationale.
L’État a acquis le supercalculateur d’Atos, qui se trouve désormais au campus de Bingerville. SILVÈRE GÉRARD/RESERVOIR PHOTO
Le 29 juin dernier, le tout nouveau Centre national de calcul de Côte d’Ivoire, situé sur le campus de Bingerville à Abidjan, présentait une innovation majeure. Le supercalculateur. Un ordinateur surpuissant, capable d’effectuer des calculs complexes à très grande vitesse. Financé par un prêt de la Direction générale du Trésor français, cet outil est destiné à être utilisé dans de nombreux domaines scientifiques, de la biologie moléculaire, de l’agriculture en passant par la climatologie.
« Pour faire simple, un supercalculateur multiplie par 10 000 les compétences d’un ordinateur de bureau. Grâce à cette machine, nous pouvons simuler, modeler, programmer et traiter d’importantes données à grande échelle et dans un temps record », explique Florent Adiamonon, responsable des opérations chez Atos, l’entreprise qui a fourni le supercalculateur. « Les problèmes environnementaux, complexes, nécessitent de pouvoir exploiter et croiser beaucoup d’informations et de mesures. Pour les analyser, nous avons besoin d’une grande puissance de calcul et de simulation. Cela permet d’affiner les productions » poursuit le professeur Souleymane Konaté, responsable du pôle développement durable du Centre national de calcul de Côte d’Ivoire.
En acquérant le deuxième supercalculateur du continent, après celui en Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire se positionne comme une terre d’innovation et de soutien aux nouvelles technologies. Cette orientation est portée par la jeune génération d’entrepreneurs. Ils proposent des solutions intelligentes dans de nombreux domaines comme le mobile money en zone rurale, des applications pour améliorer la prise en charge des victimes d’accidents ou encore des jeux vidéo 100 % made in Côte d’Ivoire.
 
Le soutien aux start-up
Pour mieux les accompagner, les autorités s’attellent à la mise en place d’un écosystème favorable dont des incubateurs, ces structures qui aident les jeunes entreprises. Ainsi, en juillet dernier, Abidjan inaugurait une nouvelle couveuse, destinée à étendre « la culture entrepreneuriale, managériale et l’innovation », selon le directeur de l’Agence Côte d’Ivoire PME, Salimou Bamba. « Trois axes ont été définis pour cette structure dont le volet incubation d’entreprises. Après l’étape des appels à projets, nous accompagnerons l’idée jusqu’au prototype », a-t-il indiqué aux médias lors de l’inauguration. L’établissement, un bâtiment de 17 pièces situé à la Riviéra Palmeraie, un quartier de Cocody, à l’est d’Abidjan, a accueilli ses premiers entrepreneurs en juillet dernier. D’autres incubateurs sont prévus à Yamoussoukro, à Bouaké et à San-Pedro. Par ailleurs, l’Agence Côte d’Ivoire PME a annoncé la création d’un fonds pour l’innovation afin de soutenir les start-up. Terre d’innovation, Abidjan l’a prouvé une nouvelle fois en accueillant la deuxième édition de The Green African Innovation Booster les 26 et 27 juin derniers, « l’événement africain pour la promotion de l’innovation verte » selon ses organisateurs, l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles du Maroc (IRESEN), en partenariat avec l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire (INP-HB). Ce salon a rassemblé plus d’une centaine de start-up en provenance des quatre coins du monde.
Pionnier, Thierry N’Doufou figure parmi les innovateurs ivoiriens. Il a créé des cartables électroniques, sous la marque Qelasy. « En regardant le taux de pénétration des nouvelles technologies et le celui de l’analphabétisme en Afrique, davantage de personnes disposent d’un mobile que de personnes qui savent lire. La solution réside dans l’utilisation du téléphone pour encourager l’alphabétisation et démystifier le numérique en Afrique.» Dans ce même esprit, Patricia Zoundi Yao a créé en 2010 QuickCash. Une application qui apporte la banque au plus près des usagers, hors des centres urbains. « J’ai grandi dans un village. J’ai alors constaté que les clients du monde rural ne disposaient pas de comptes en banque. Ils mettaient pratiquement trois jours pour effectuer une opération. Je me suis dit : pourquoi ne pas créer un produit qui va permettre à ces personnes de rester dans leur village pour faire la transaction ? Avec moins de 100 000 francs CFA (soit 152 euros) et deux collaborateurs, nous avons décidé de créer QuickCash. »
Thierry N’Doufou, de la société Qelasy, a imaginé des cartables électroniques. DR
Le numérique au service de l’activisme
Autre réussite de l’innovation technologique ivoirienne : O Village. Un ensemble numérique destiné aux entrepreneurs en herbe. Le « chef du village » se nomme Cyriac Gohi Gbogou, il a tout juste 37 ans. « Nous nous sommes inspirés de l’esprit Ubuntu, caractérisé par l’entraide et la solidarité (un système informatique d’exploitation GNU/Linux, et une notion humaniste et fraternelle venue d’Afrique du Sud, NDLR). Nous mettons l’accent sur le renforcement des compétences. Un étudiant bien formé deviendra un citoyen utile à la société. Nous allons vers les villes périphériques pour faciliter la vie de ces populations en leur apprenant l’usage et l’adoption du numérique dans leurs tâches quotidiennes. Nous avons la chance de vivre une révolution digitale et technologique, notre génération est plus connectée que celle de nos pères. Aujourd’hui, une simple information peut faire rapidement le tour du monde, d’où la nécessité de continuer à sensibiliser la population à un usage utile des technologies. » Un activisme partagé par Édith Brou, « geek » de 34 ans. Elle appartient au mouvement des Africtivistes qui rassemble de jeunes citoyens africains actifs sur les réseaux sociaux. Ce groupe a tenu son deuxième sommet en juin dernier à Ouagadougou. Il milite pour la vigilance citoyenne et numérique lors des grands rendez-vous électoraux. Nul doute, l’innovation se diffuse dans tous les domaines de la vie. Surtout en Côte d’Ivoire.