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interview

Roger Adom
«Nous avons fait un bond en matière de digitalisation »

Par Emmanuelle Pontié - Publié en mai 2023
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 Le ministre de l'Économie numérique veut poursuivre la transformation de la Côte d'Ivoire en pôle technologique.

AM : Vous avez été nommé le 13 mai à la tête d’un ministère que l’on pourrait qualifier de «tourné vers l’avenir». Quel état des lieux avez-vous pu faire sur les chantiers du numérique en Côte d’Ivoire?

Roger Adom : La Côte d’Ivoire est le leader de la sous-région dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies. Nous avons déjà plus de 25000 km de fibre optique. Le taux de couverture de la téléphonie mobile dépasse 90 %. Il y a plus de 40 millions de téléphones mobiles en circulation pour un pays qui compte 26 millions d’habitants. Le pays a fait un bond qualitatif en matière de digitalisation et de numérisation, grâce à des réformes législatives et réglementaires, en adéquation avec les enjeux d’une économie numérique performante, flexible et sécurisée.

Roger Adom. NABIL ZORKOT
Roger Adom. NABIL ZORKOT

Ces réformes ont également favorisé le développement d’infrastructures numériques qui soutiennent la politique de développement du secteur numérique en Côte d’Ivoire, en par- faite synergie avec le secteur privé, les partenaires techniques et financiers, la société civile ainsi que la communauté régionale et sous-régionale. Nous disposons à ce jour d’une infrastructure nationale de téléphonie fixe et mobile détenue par trois opérateurs, d’un réseau national haut débit qui offre près de 25 000 km de fibre optique déployés, dont 7 000 km appartenant à l’État de Côte d’Ivoire ainsi que d’un réseau national par satellite pour le raccordement des services critiques de l’État. Notre connectivité à l’international s’effectue avec quatre câbles sous-marins (SAT-3, WACS, ACE et MainOne). Pour ce qui est des services financiers, le numérique a un fort impact avec le mobile money et l’ebanking, avec plus de 22 millions d’utilisateurs, certains d’entre eux ayant plusieurs comptes. Le développement des compétences et du capital humain est un autre pilier pour soutenir notre vision, qui est de faire de la Côte d’Ivoire un pays complètement digitalisé et un hub en matière d’innovations. À cet effet, il a été créé un base, nous nous sommes dotés d’un mécanisme de soutien à l’émergence de start-up avec la Fondation jeunesse numérique, dotée d’un fonds de 500 millions CFA. Nous avons aussi créé une zone franche, le Village international des technologies de l’information et de la biotechnologie (VITIB), une véritable technopole.

La sécurité numérique est une autre priorité du gouverne- ment. Grâce à la lutte contre la cybercriminalité et l’instauration d’un climat de confiance numérique, notre ambition est de protéger notre cyberespace et ses infrastructures. À cet effet, nous avons déjà adopté des mesures législatives contre la cyber- criminalité et la protection des données à caractère personnel. Comment comptez-vous encore améliorer le secteur et faire en sorte que chacun puisse accéder au numérique? Le numérique est une priorité. Il permet de rapprocher les gens, de faire plus vite et mieux. Notre ambition est de réduire la fracture numérique, ainsi que la fracture territoriale. Et notre objectif premier est de redynamiser le secteur et faire en sorte qu’il crée davantage d’emplois et de richesse. Pour ce faire, il est impératif de généraliser les infrastructures sur l’ensemble établissement ouvert sur l’extérieur: l’École supérieure africaine des technologies de l'information et de la communication (ESATIC), aujourd’hui centre d’excellence de l’Union internationale des télécommunications (UIT) dans divers domaines en matière de Technologies de l’information et de la communication (TIC), pour la formation initiale ainsi que les formations spécialisées et continues. Par ailleurs, le Service national de développement informatique (SNDI) a été mis en place pour non seulement accompagner la transformation digitale de l’administration publique, mais surtout assurer la formation et le renforcement des capacités des agents de l’État.

En outre, dans le souci de faciliter l’accessibilité à un plus grand nombre de citoyens, la Côte d’Ivoire mène une politique d’incitation au développement des contenus, notamment à tra- vers le lancement du projet de gouvernance électronique et ses déclinaisons e-éducation, e-santé, e-agriculture, à travers la dématérialisation des procédures administratives et les plates- formes de paiement digital (impôts, Trésor, cartes d’identité, actes divers). Et afin de booster l’accessibilité aux TIC, de nombreuses mesures ont été mises en place, comme la réduction des coûts des équipements grâce à l’incitation fiscale, la réduction de la fiscalité sur les équipements terminaux, la baisse des coûts des communications et de l’Internet pour que les populations puissent y accéder plus facilement. Enfin, je citerais aussi la mise en route du projet «Un citoyen, un ordinateur, une connexion Internet ». Notre pays s’est également engagé à passer à une position d’exportateur d’outils et de services des TIC en favorisant l’émergence et l’éclosion d’une industrie nationale. Sur cette base, nous nous sommes dotés d’un mécanisme de soutien à l’émergence de start-up avec la Fondation jeunesse numérique, dotée d’un fonds de 500 millions CFA. Nous avons aussi créé une zone franche, le Village international des technologies de l’information et de la biotechnologie (VITIB), une véritable technopole. La sécurité numérique est une autre priorité du gouvernement. Grâce à la lutte contre la cybercriminalité et l’instauration d’un climat de confiance numérique, notre ambition est de protéger notre cyberespace et ses infrastructures. À cet effet, nous avons déjà adopté des mesures législatives contre la cyber- criminalité et la protection des données à caractère personnel.

Comment comptez-vous encore améliorer le secteur et faire en sorte que chacun puisse accéder au numérique?

Le numérique est une priorité. Il permet de rapprocher les gens, de faire plus vite et mieux. Notre ambition est de réduire la fracture numérique, ainsi que la fracture territoriale. Et notre objectif premier est de redynamiser le secteur et faire en sorte qu’il crée davantage d’emplois et de richesse. Pour ce faire, il est impératif de généraliser les infrastructures sur l’ensemble du territoire national, avec un accès pour tous et une couverture totale de la population. Nous allons embrasser la quatrième révolution industrielle. L’administration et les services publics vont aussi se digitaliser totalement.

Quels sont les freins que vous pouvez rencontrer en matière de résistances sociales ?

Il s’agit plutôt pour nous de défis à relever que de freins à surmonter, car le taux d’équipement et le taux d’utilisation sont déjà très importants. La question du financement est primordiale car les bailleurs de fonds investissent peu dans le domaine de la technologie en Côte d’Ivoire. Tous les investissements sont effectués soit par l’État, soit par des entreprises privées installées sur notre territoire. Un apport des bailleurs de fonds per- mettrait d’accélérer l’usage du numérique dans notre pays. Les résistances sociales sont faibles car, même si les personnes ne sont pas alphabétisées, elles ont toutes un téléphone et utilisent le mobile money. Les populations sont déjà imprégnées de toutes ces nouvelles technologies. Il nous faut maintenant un appui conséquent des bailleurs de fonds.

Quels sont vos grands projets à court et à moyen termes?

Le ministre lors de l'inauguration du «bureau de poste du futur», à l’université FHB, en mai dernier. DR
Le ministre lors de l'inauguration du «bureau de poste du futur», à l’université FHB, en mai dernier. DR

L’objectif est d’être le moteur de la transformation numérique aux niveaux régional et continental. Nous voulons devenir un pays phare en innovation technologique. Notre rêve serait  que toutes les entreprises mondiales de technologie viennent s’installer dans notre pays. Le projet le plus structurant serait la mise en œuvre d’un identifiant numérique unique pour toutes les personnes vivant en Côte d’Ivoire. Notre ambition est de créer plusieurs parcs technologiques, à Abidjan et Yamoussoukro, dans les autres villes du pays. D’ici la fin de l’année, nous allons faire voter des lois pour améliorer l’environnement des affaires, en facilitant la création de fintech et de start-up dans le domaine de la technologie. Il est impératif que les jeunes talents ivoiriens puissent innover, créer leur entreprise et développer des services qui faciliteront le bien-être des populations.

Où en êtes-vous de la modernisation de la Poste? Quel schéma comptez-vous privilégier?

Nous voulons faire de la Poste de Côte d’Ivoire une entre- prise réinventée qui profite du développement et de l’apport des technologies pour redevenir compétitive. À ce titre, nous venons d’inaugurer un « bureau de poste du futur », qui comprend les services les plus innovants pour faciliter la vie du citoyen. Nous travaillons également à sa restructuration. De grands chantiers vont être bientôt dévoilés pour faire de la Poste un instrument moderne au service de la proximité. Celle-ci devra devenir le coursier de l’État ainsi que le partenaire privilégié des entreprises et des particuliers dans le domaine du commerce électronique, de la logistique et de la distribution de biens et de marchandises sur toute l’étendue de notre territoire.

Vous organisez du 9 au 27 août le 27e Congrès postal universel en Côte d’Ivoire. Il se tiendra pour la seconde fois sur le continent. Qu’en attendez-vous?

C’est un honneur pour la Côte d’Ivoire de recevoir ce congrès. Et c’est la première fois depuis 1934 – soit depuis quatre-vingt- sept ans – qu’il se déroule en Afrique. Nous sommes passés par différentes déceptions successives, mais malgré les contraintes sanitaires dues au Covid-19, cette 27e édition est maintenant une réalité. Le président Alassane Ouattara est le premier supporter de ce congrès, et c’est grâce à lui s’il est organisé chez nous. Nous l’en remercions. Notre pays va pouvoir montrer au monde sa traditionnelle hospitalité, et les congressistes garderont un souvenir indélébile des moments qu’ils passeront ici. Durant ces trois semaines, nous allons définir la nouvelle stratégie postale mondiale qui s’appellera la «stratégie d’Abidjan». Le secteur postal doit demeurer prospère et tourné vers l’avenir. Nous devons tenir compte des nouveaux enjeux technologiques, des nouveaux besoins des populations et apporter des réponses pérennes. Je suis persuadé que la poste mondiale saura créer les conditions qui feront que les entreprises postales continueront à être des entreprises créatrices de richesse et de valeur.

Après avoir été directeur général adjoint d'Orange Côte d'Ivoire, directeur du département des technologies de l'information à la BAD, ou encore directeur général de Group Vivendi Africa, ce second portefeuille que l'on vous confie semble être pile dans vos cordes. Qu'en pensez-vous?

En effet. D’autant que vous oubliez que j’ai aussi été directeur du système d’information du groupe Orange pour l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient. Franchement, le plus important pour moi désormais est de répondre à la confiance qu’a placée en moi le président de la République. Mon ancien poste à la Modernisation de l’administration et à l’Innovation du service public était aussi passionnant. Aujourd’hui, ma mission est d’œuvrer à ce que la Côte d’Ivoire entre définitivement dans l’ère du digital.